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L'espèce humaine
L'espèce humaine
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16 février 2008

Je sortais du cinéma. C'était le soir, pas tout a

Je sortais du cinéma. C'était le soir, pas tout a fait 21h. J'étais seul, personne ne pouvait venir, et à vrai dire, c'était mieux comme ça. Il faisait nuit, il faisait bon. Les camions à Pizza aux vieux noms étaient prêts à cueillir les premiers venus. "Viva Pizza";"A la bonne part";"Pizza gigi"... Ridicules. Je traverse en direction de la banque populaire qui fait l'angle. A côté y'a une sorte d'arche, où on peut s'abriter. Y'avait un clodo, assis, son gobelet d'où brillait les pièces de 1, 2 centimes était renversé. Je le regarde, il avait l'air d'avoir 60 ans, il en avait donc bien dix de moins. Il était maigre, pas de barbe, rasé, mal. Il me jetta un regard méprisant, il croyait sûrement que je le regardais comme on regarde crever une bête. Je m'excuse et j'm'approche. Je fouille pour voir si il me reste un ou deux euros. Une pièce de deux et une pièce de un. Je lui dépose délicatement près de son gobelet, il les prend et me sort :
" Merci jeune ".
Il avait une voix usée, pas comme celle des autres clochards, celle la ne transpirait ni la démence, ni la routine. Il avait l'air triste. Il se lève, il se dirige vers "Pizza Gigi", je le regarde partir. Je m'assied près de ses affaires et j'attends. J'sais pas pourquoi je reste là, j'ai pas envie de parler pourtant. Il revient, il a l'air étonné mais il s'assied à côté. Il me demande si j'attends quelqu'un, j'lui réponds que non. Un moment de silence, puis il me propose sa deuxième part de pizza. Il en avait acheté deux. Je refuse biensûr. Et puis j'sais pas pourquoi mais ça sort:
" Vous avez quel âge? ".
Il me répond sans attendre. Il avait 42 ans. Et puis il se met à parler, il avait pleins de choses à raconter, comme si il attendait ce moment depuis longtemps. Pouvoir parler à quelqu'un, de sa vie, de ses envies. Au bout de 15 minutes il s'arrête. Il m'a tué, ses mots m'avaient lacéré, j'avais honte. Je ne dirai rien de ce qu'il m'a dit, je le garde pour moi. Apparement il vivait dans la rue depuis presque 20 ans. Il aurait pu se contenter de parler de lui, mais il a disserté sur la vie, pendant 15 autres minutes. Il ne pouvait pas me faire plus plaisir. Tous ces mots, toutes ces phrases, les siennes. Il n'y a que les personnes qui ont reçu de grosse claques dans la gueule qui peuvent parler comme il l'a fait. Il enchaînait les idées et se livrait une guerre avec les mots. Il dégueulait sa haine, avec une telle force. il taillait ma petite personne, doucement. Puis il s'arrêta, il avait fini sa guerre, il avait gagné. C'est certain. Je le trouvais imposant à présent, immense. Il pouvait m'engloutir avec une seule parole de plus, une.
Il me posa des questions, sur moi mais pas seulement. Sur la vie, comment je la percevait. C'était à mon tour, plus modestement j'y allais. Rien ne pouvait me faire plus plaisir sur le moment que de parler à ce génie. Il y avait eux. Et nous. Le monde défilait devant ses yeux, il avait l'habitude, pour moi c'était nouveau, sous cet angle. J'avais fini. Il ne disait rien. Puis il me dit quelque chose, quelques mots. Que je garderai pour moi. Ca m'a percé, presqu'ébranlé.
On parlait maintenant des femmes, haha, on a bien rigolé là. Il était plein d'humour. Et même si c'est pas ce qui se remarque en premier, l'humour est sans doute ma plus grande force, dehors.
Il était tard, je devais partir, je me suis levé. L'atmosphère s'était tendue. Une scène d'adieu s'était figée. Je lui ai tendu la main, il me la prise. Même sa façon de serrer la main était différente. Il avait l'air touché, comme si ce geste l'avait plus remplit que la pizza. Il me lacha quelques mots, mais qui est-il pour réussir fusionner ces paroles?
J'étais définitivement parti. J'avais l'impression d'être au milieu des requins, sans cage. Je trouvais le monde beaucoup plus laid. Les gens beaucoup plus cons. Je me trouvais beaucoup plus con. J'suis rentré chez moi comme d'habitude, j'ai monté ces 4 étages. J'ai prit ma respiration et j'suis rentré.

Jail_by_Tolaughofdespair

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Commentaires
A
Wow.....<br /> <br /> <br /> Je reste sans voix après ce merveilleux texte (encore).<br /> Je ne te connais pas mais je t'estime. Tellement.<br /> Il m'est arrivé une histoire à peu près semblable. Peut etre est-ce pour ça que je vivais intensément chaque phrase.<br /> <br /> Qu'est-ce qu'on se sent con, inutile après ca!<br /> <br /> On s'enferme dans des problèmes qui paraissent des montagnes, mais quand on relève la tete et qu'on regarde autour de soi on voit vraiment la réalité.<br /> Et nos problemes ne sont que futilité.<br /> <br /> Tu me tues à chaque texte :)<br /> Tu écris tellement bien. Je sais que je te le dis sans cesse mais... c'est magnifique.<br /> Personne ne m'avait encore fait un effet pareil.<br /> Tu es sidérant de bon sens.<br /> <br /> Comme si tu avais vécu plus de choses que quiconque. Comme si on pouvait parler de tout avec toi, sans avoir peur d'être jugé.<br /> <br /> C'est rare de ressentir ce sentiment, surtout à travers l'écran :)<br /> Peut-être me trompe-je.<br /> <br /> En tout cas, j'admire vraiment ton blog.<br /> <br /> Merci.
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